UN ACCUEIL INCONDITIONNEL, CONSTANT ET SANS JUGEMENT
Les jeunes qui se présentent au Centre de jour sont accueillis par les intervenants que l’on appelle « de première ligne ». Ceux-ci sont les meilleurs témoins de l’itinérance jeunesse et les premiers visages bienveillants que les jeunes sans-abri voient à Dans la rue.
Comment se déroule l’arrivée des jeunes au Centre de jour ? Tout d’abord, les intervenants remplissent avec eux une fiche d’information et leur demandent de nommer trois besoins immédiats. Parmi les plus fréquents, on retrouve notamment le besoin de manger, de se doucher, de trouver des vêtements adéquats, de traiter un problème de santé physique ou mentale, de refaire des pièces d’identité et de trouver un logement.
Cette étape d’accueil varie d’un jeune à l’autre, selon le désir d’interaction de ce dernier, car le mot d’ordre est toujours de respecter son rythme. Les jeunes en situation précaire vivent de grandes difficultés et des défis qui mobilisent toute leur énergie. Ils ont en premier lieu besoin de se déposer, de se reposer et de s’écouter.
S’il s’agit d’une première visite dans nos services, les intervenants de première ligne prennent le temps de raconter l’histoire de Pops et de Dans la rue, afin que les jeunes se familiarisent avec l’organisme et qu’ils développent un sentiment d’appartenance à celui-ci. Les consignes du Centre de jour sont aussi énoncées lors de leur arrivée.
Un intervenant de première ligne doit posséder une grande capacité d’adaptation : chaque journée est unique, les jeunes rencontrés sont tous différents et ils ont des besoins très variés.
PAROLE AUX INTERVENANTS DE PREMIÈRE LIGNE DU CENTRE DE JOUR
Les jeunes sans-abris sont toujours en mouvement dans la ville ; leur passage au Centre de jour fait partie de leur routine quotidienne. Ils trouvent dans nos services une présence sécurisante et développent des liens privilégiés avec les intervenants. Ces derniers représentent souvent les premiers visages amicaux de leur journée. Il s’agit de rencontres importantes qui peuvent rester gravées dans leur mémoire à jamais.
« Notre présence fait une différence », affirme Émilie Vaillancourt, chef d’équipe et intervenante psychosociale depuis 18 ans à Dans la rue.
Nos principaux intervenants de première ligne à la réception du Centre de jour ont peu changé dans les dernières années, car la constance permet de bâtir des liens solides. Jules Clouâtre, Émilie Vaillancourt, Mary-Christine U.-Ladouceur et Clément Roquet-Morrisson, avec qui j’ai pu m’entretenir, possèdent entre 7 et 25 années d’expérience à Dans la rue. Je suis allée à leur rencontre afin de recueillir leur témoignage sur leur quotidien avec les jeunes et de mieux connaître les réalités de l’intervention d’urgence.
UNE PRÉSENCE RASSURANTE ET CHALEUREUSE AU QUOTIDIEN
Grâce à la stabilité de leur poste au Centre de jour, les intervenants connaissent certains jeunes depuis plusieurs années, ce qui facilite l’accompagnement. Souvent, ils les ont rencontrés une première fois à l’occasion de fugues de chez leurs parents ou de centres d’accueil. D’autres épreuves, comme une perte de logement ou d’emploi, une peine d’amour ou un problème de santé mentale, peuvent à nouveau compromettre l’équilibre qu’ils avaient réussi à atteindre. Dans de telles situations, les jeunes savent que les portes de nos services leur sont toujours ouvertes.
« Malgré leurs ennuis, ils reviennent toujours pour faire des plans de matchs avec nous », raconte Mary-Christine, intervenante psychosociale à Dans la rue depuis 8 ans.
« On vit plein de petits succès tous les jours, mais ça peut être fragile. On s’assure que les jeunes savent qu’ils peuvent toujours revenir. On devient un “safe space” pour eux », confie Clément, chef d’équipe adjoint et intervenant psychosocial depuis 7 ans à Dans la rue.
UNE GRANDE FLEXIBILITÉ D’INTERVENTION POUR RÉPONDRE AUX BESOINS VARIÉS DES JEUNES
Les intervenants sont unanimes ; ils gèrent tous les jours des problèmes de santé mentale. Une formation continue leur permet de saisir les besoins des jeunes et de les aider du mieux qu’ils peuvent.
« Les jeunes nous poussent à élargir nos compétences et nos interventions », note Jules, intervenant psychosocial depuis 25 ans à Dans la rue.
Les intervenants sont en tout temps sur le qui-vive pour poser sans attendre les premiers gestes en cas de crise, mais également pour éviter les incidents. Flexibilité et créativité sont des qualités essentielles pour faire face rapidement à de multiples situations et pour mettre en place en peu de temps des solutions concrètes.
« Nous sommes des sentinelles en repérage constant des besoins des jeunes », explique Mary-Christine.
Force est de constater que le visage de l’itinérance jeunesse a beaucoup changé au cours des années. Loin des stéréotypes de « punks », d’anarchistes ou de « squeegees », les jeunes sans-abri faisant appel à nos services sont de plus en plus des immigrants, des réfugiés, des étudiants et des personnes en recherche identitaire. Ils ont aujourd’hui des besoins différents, qui exigent de nouvelles approches et la création de programmes adéquats, notamment pour prévenir l’ancrage dans la rue.
DES PARCOURS DE VIE DOULOUREUX
Dans tous les cas, les intervenants cherchent à diminuer la souffrance causée par différentes épreuves. Les jeunes ont des parcours de vie très douloureux et d’anciennes blessures à guérir.
« Ce n’est pas vrai que nous sommes tous égaux. Nous avons des jeunes qui ont des réalités qui nous dépassent, mais notre job, c’est de les écouter sans jugement et de leur apporter de l’aide », précise Émilie.
Ces cheminements variés peuvent amener leur lot de déception et de désenchantement. La confiance des jeunes s’obtient avec le temps et grâce au respect que leur témoignent les intervenants. Par leur persévérance, les jeunes parviennent à saisir différentes occasions proposées par les intervenants. Ils apprennent et essayent chaque jour de nouvelles avenues pour sortir de la précarité.
« On est là pour remettre les jeunes en mouvement et leur communiquer l’envie de continuer à avancer malgré les embûches », déclare Mary-Christine.
L’objectif est de garder la personne au centre des interventions et de lui donner la priorité, car cette approche permet aux jeunes vulnérables de reprendre confiance en eux. Les intervenants sont des piliers importants dans la vie quotidienne des jeunes. Il est important de reconnaître leur travail colossal, grâce auquel les jeunes se sentent accueillis, rassurés, considérés et accompagnés, tant dans l’adversité que dans la réussite.